communication orale

La langue française en liberté : petit éclairage sur l’argot, le verlan et autres particularités idiomatiques…

Quand Urbain fait ses excuses aux « végans » au festival de Montreux, pour finir par faire une déclaration d’amour à la langue française, il faut vraiment maîtriser une toute autre langue que celle qui est enseignée dans nos salles de classe et pourtant ses libertés lexicales et ses familiarités sont tout à fait en usage et parfaitement compréhensibles pour une majorité de francophones natifs …

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Les registres de langue sont classiquement  au nombre de trois, le registre courant, soutenu et familier mais il y en a d’autres, dont l’argot.

L’argot amuse, l’argot fascine, l’argot est considéré comme quelque chose de « plaisant », il y a une jubilation à utiliser cette langue «  marginale », cette langue dans la langue, une sorte d’enclave de liberté dans un cadre linguistique parfois perçu comme un peu trop figé, un peu trop sérieux…

Voici une définition de base :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Argot

Pourquoi une telle présence de l’argot dans le français dans le contexte informel? Comment se déroule le processus de dissémination à toutes les classes sociales?

A la base, il s’agit bien d’un registre différent qui a un objectif de communication pour conserver une forme d’ « entre-soi » dans certaines classes dites populaires. Seulement, peu à peu, le temps aidant, certains mots argotiques sont parfois assimilés jusqu’à devenir la norme, quand une majorité des locuteurs l’utilisent. Il va de soi que ces mots entrent officiellement dans les dictionnaires en vigueur, après validation des lexicographes.

Comment se passe le processus ? Si il s’agit bien originellement d’un usage particulier, circonscrit à un groupe socialement marqué, peu à peu l’usage s’étend aux classes dites «  moyennes » pour atteindre les classes supérieures par un processus d’assimilation progressive … L’utilisation d’un mot bénéficiant d’une sorte de phénomène de mode, parce que « ça fait bien » de dire ce mot argotique à la place d’un mot plus usuel, ça fait plus «  branché », voire «  chébran »…

Citons le mot «  taf » à la place de travail, « taffer » à la place de travailler …

Voici quelques  ambassadeurs de cette langue qu’on dit «  fleurie » :

Tout d’abord, citons Pierre Perret qui a largement utilisé l’argot dans ses chansons jusqu’à aller jusqu’à écrire un livre «  Le petit Perret illustré » puis carrément un dictionnaire de l’argot  ;

Découvrez ce poète argotique incontournable via son site internet :

https://pierreperret.fr/son-oeuvre/biographie/

Il a par exemple repris les Fables de la Fontaine à sa manière…

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Comment parler d’argot sans évoquer Georges Brassens avec les mêmes intentions, jouer avec les mots dans une dimension souvent engagée et libertaire.

Voici un aperçu d’un vocabulaire particulièrement riche et choisi, où l’argot se mêle aux particularismes les plus recherchés :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Mots_de_Brassens

En milieu rural, jusqu’au milieu du 20 ème siècle, on utilise un patois local qui a le même rôle que l’argot : avoir un langage bien à soi, appartenant à un groupe géographique. Or, l’argot se construit à Paris et dans la région parisienne, un territoire qui bénéficie d’une langue qui n’a ni vraiment d’accentuation, ni vraiment d’histoire … Et l’image d’Epinal, c’est le Gavroche de Victor Hugo, dans Les Misérables , un enfant des rues qui utilise un langage familier pour communiquer avec les membres de son groupe social, l’idée étant de ne pas être compris par les bourgeois ou les autorités.

Un chanteur populaire a cultivé ce style, jusque dans l’aspect vestimentaire, justement à la Gavroche… « Renaud », chanteur libertaire qui aura marqué son époque en ajoutant sa pierre à l’édifice d’une langue française alternative  au fil de ses chansons, mêlant argot et verlan ainsi que créations plus personnelles, prenant de grande liberté avec les constructions grammaticales ou la conjugaison. Les thématiques des chansons tournent autour de l’engagement, des revendications sociales, de la critique des régimes autoritaires mais aussi de belles histoires d’amour et d’amitié.

Voici l’exemple célébrissime avec « Laisse béton » :

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Ou bien encore «  Dans mon HLM »:

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Voici une étude complète très éclairante sur le plan lexical et  linguistique …

http://www.sharedsite.com/hlm-de-renaud/bibliotheque/etudiant/e_ania_hawro/ania_hawro_00_02_00_neologie.htm

En conclusion, voici un dernier exemple de langage «  codé », le fameux « louchebem », autrement dénommé l’argot des bouchers : 

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Pour aller plus loin, voici un site à vocation pédagogique  plutôt complet pour aborder la question avec vos apprenants: 

Pour ma part, je vous propose une activité basique mais très efficace et très facile à mettre en oeuvre, c’est de reprendre une des sources citées dans cet article en demandant aux apprenants d’aller à la chasse aux mots familiers puis d’en proposer une version en mots courants, voire soutenus. 

De très nombreux textes de chanteurs contemporains sont propices à ce type d’activité lexicale. Si vous prenez le tout début d’ ‘’Alors on danse’’ de Stromae : « Qui dit études dit travail, Qui dit taf te dit les thunes,… » Vous pouvez demander à vos étudiants d’apporter eux aussi des chansons qu’ils pourront préalablement étudier pour en partager l’analyse lexicale avec leurs camarades.

Quand les moulins de votre coeur se mettent à tourner…

« Tous les moulins de mon coeur » de Michel Legrand, un véritable hymne d’amour à la chanson française mais aussi une idée toute trouvée pour illustrer la figure de style de la comparaison. 

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Voici un autre version plus récente par Slimane :

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Et bien sûr la version bilingue de Tina Aréna, « The Windmills of Your Mind »  avec son magnifique accent :

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En voici le texte original.

Comme une pierre que l’on jette dans l’eau vive d’un ruisseau

Qui laisse derrière elle des milliers de ronds dans l’eau

Comme un manège de lune avec ses chevaux d’étoiles

Comme un anneau de Saturne, un ballon de carnaval

Comme le chemin de ronde que font sans cesse les heures

Le voyage autour du monde d’un tournesol dans sa fleur

Tu fais tourner de ton nom tous les moulins de mon cœur

Comme un écheveau de laine entre les mains d’un enfant

Ou les mots d’une rengaine pris dans les harpes du vent

Comme un tourbillon de neige, comme un vol de goélands

Sur des forêts de Norvège, sur des moutons d’océan

Comme le chemin de ronde que font sans cesse les heures

Le voyage autour du monde d’un tournesol dans sa fleur

Tu fais tourner de ton nom tous les moulins de mon cœur

Ce jour-là près de la source, Dieu sait ce que tu m’as dit

Mais l’été finit sa course, l’oiseau tomba de son nid

Et voilà que sur le sable nos pas s’effacent déjà

Et je suis seul à la table qui résonne sous mes doigts

Comme un tambourin qui pleure sous les gouttes de la pluie

Comme les chansons qui meurent aussitôt qu’on les oublie

Et les feuilles de l’automne rencontrent des ciels moins bleus

Et ton absence leur donne la couleur de tes cheveux

Une pierre que l’on jette dans l’eau vive d’un ruisseau

Et qui laisse derrière elle des milliers de ronds dans l’eau

Au vent des quatre saisons, tu fais tourner de ton nom

Tous les moulins de mon cœur

Processus pédagogique :

Le terme de « comparaison » trouve son origine en 1174 dans l’ouvrage de Saint-Thomas d’Aquin, De Potentia. Le terme est exprimé par le latin comparatio, dans le sens d’« action de comparer pour faire ressortir les ressemblances et les différences ».

Le premier à véritablement utiliser le terme de comparaison est Aristote. Dans le troisième livre de la Rhétorique, le philosophe fait la distinction entre la metaphora et l’eikon, qui met en jeu un « comparant » et un « comparé ».

Peu à peu, la comparaison est devenue l’une des figures de style les plus populaires. 

Par exemple Homère l’a beaucoup utilisée dans l’Iliade et l’Odyssée, de sorte qu’on parle désormais de « comparaison homérique » « Et cette terre était proche, et elle lui apparaissait comme un bouclier sur la mer sombre. »

Reformulation : Observer les comparaisons du texte et les expliquer avec vos mots à vous.

Quelques  exercices amusants pour pratiquer et ainsi mieux comprendre cette figure de style :

https://www.francaisfacile.com/exercices/exercice-francais-2/exercice-francais-65322.php

ou 

https://www.francaisfacile.com/exercices/exercice-francais-2/exercice-francais-3564.php

Bien comprendre et différencier la comparaison de la métaphore :

https://www.francaisfacile.com/exercices/exercice-francais-2/exercice-francais-122544.php

Dans le texte de la chanson, remplacer le comparatif «  comme » par un autre comparatif issu d’une liste.

Ecriture : 

Imaginer d’autres comparaisons sur ce thème universel de l’amour.

En 2022, c’est champagne!!!!

Pour bien commencer l’année, voici une activité de haut niveau pour s’adapter au goût du jour mais surtout à l’excellence de ce que vous allez lire…

Compréhension de texte Niveau C1/ C2 :

Dom Pérignon Plénitude 2 et l’art de la Haute Gastronomie. 

https://dom-perignon-plenitude-2-millesime.lemonde.fr/?utm_source=polar&utm_medium=lemondempubrf&utm_campaign=domperignon&mvt=post&mvn=53ee01067297414ca5eec18087784350&mvp=NA-MPUBL-11240102&mvl=Fn-Social%20Content%20[Social%20Layout]&fbclid=IwAR02RJiw8C3glt3FFAdHqcCx6paXOdacn75h7rwyUAZZMiu39Xtj8y63EfU

Consigne : après avoir recherché le nouveau vocabulaire, isolez les expressions que vous n’arrivez pas à comprendre, puis répondez aux trois questions suivantes à l’oral ou à l’écrit:

1 : Pourquoi ce champagne est-il exceptionnel ? Donnez au moins trois raisons différentes en reformulant les arguments du texte.

2 : Que pensez-vous des accords « mets et vin » proposés par les deux chefs étoilés?

3 : Quelle image vous faites-vous de la gastronomie française et de son savoir-faire?

Situation réelle de communication  : «  Vous souhaitez acquérir une caisse de ce millésime dans une cave haut de gamme, imaginez le dialogue entre vous et le caviste. »

Même si la langue française se déguste sans modération, n’oublions pas que ce n’est pas le cas pour ce fabuleux breuvage…

L’art de la conversation, une responsabilité partagée…

Quand il parle, il parle, il parle et que je n’arrive pas à en placer une…

C’est parfois une situation très embarrassante pour les apprenants, que d’avoir beaucoup travaillé en amont pour pouvoir intervenir dans une conversation et de se retrouver dans un échange où un locuteur natif français accapare la prise de parole sans laisser de place à l’interlocuteur qui pourtant fait l’effort de parler en français. C’est encore pire quand nos apprenants comprennent 90 % des informations qui sont transmises et qu’il n’y a pas de problème particulier de vocabulaire ou de contextualisation. 

Ceci génère de la frustration et aussi un doute quant à sa propre capacité à intervenir, à prendre la parole et à interagir avec des francophones de souche. En effet, il est rare d’avoir à disposition un «  bâton de parole » qui permet de réguler les temps de parole et d’écoute active…

Un vague sentiment de honte envahit parfois le locuteur qui n’a pas su ou pu s’impliquer dans la conversation : «  Je n’ai pas répondu à SES attentes à lui… J’aurais dû parler davantage… Pourquoi suis-je resté silencieux… Pourtant j’avais envie de parler… » Un sentiment d’échec peut durablement impacter les prochaines conversations, et pourtant ce n’est pas très juste.

Ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que dans un échange, la responsabilité de la qualité des informations transmises porte sur les deux locuteurs. Si l’un des deux est manifestement très volubile, il y a lieu de RELATIVISER et de ne pas prendre pour soi, une incapacité à prendre la parole.

En prenant un peu de hauteur, ce qui est essentiel, c’est l’objectif de cette conversation : 

Quelles sont les informations que je devais entendre et quelles sont celles que je devais transmettre?

Pour trouver une place dans cet échange, il faut provoquer des temps de respiration  grâce à un outil : l’art de la reformulation.

Voici quelques phrases-types qui peuvent être utiles en pareil cas :

Peut-on faire une pause pour reformuler ce que nous nous sommes dit s’il vous plait?

Est-ce qu’on peut faire un bilan de notre conversation ?

Est-ce que j’ai oublié quelque chose d’important?

Si, j’ai bien compris, ce que nous nous sommes dit…

Si je vous comprends bien, vous avez essayé de me dire que…

Vous me dites que…

Pour conclure, dans son ouvrage de psychologie pratique mondialement connu, Comment se faire des amis , Dale Carnegie donne 28 conseils, et le 9 ème est le suivant : « Encouragez les autres à parlez d’eux-mêmes. » 

On peut y lire : « Pour bien démarrer une discussion, vous pouvez poser des questions simples. Trouvez des points communs et focalisez sur ce sujet que vous semblez parfaitement connaître tous les deux ! Il est possible que vous perdiez votre langue. Mais ne vous affolez pas, car cela vous donne une occasion en or pour vous concentrer sur ce qui compte : EUX ! Il est toujours bon de laisser les autres parler d’eux, tant pour mieux les connaître que pour le simple fait que les gens aiment parler d’eux-mêmes. »

Donc, si nos apprenants n’ont pas pu en placer une dans la discussion et que celle-ci s’est transformée en monologue, ils se sont peut-être fait un ami de plus, français qui plus est!!! Avec l’espoir de fructueux échanges … pour la prochaine discussion, bien entendu!